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Communications dans le secteur de l’éducation
avr. 2024

Communications dans le secteur de l’éducation : un grand défi de cohésion

Par Mathieu Bédard

S’il y a un secteur où règne une diversité d’audiences, une nature changeante des enjeux et courants sociaux, la complexité du cadre éthique comme politique et la difficulté de différenciation à plusieurs égards, c’est bien le secteur de l’éducation et de ses différents types de structures. Jumelez à ça des problématiques comme le décrochage scolaire, l’augmentation de l’endettement et du coût de la vie, une concurrence féroce tous azimuts et la pénurie de main-d’œuvre d’enseignants, et vous vous retrouverez au c​​œur d’un secteur où les communications et l’exercice parfois tabou du marketing représentent un réel challenge.

Communications internes, externes, publicité de notoriété ou pour le recrutement d’élèves, contenu social, marque employeur… Les moyens des organisations demeurent très variables, mais leurs besoins restent néanmoins criants. Or, pour atteindre nos différents objectifs, permettons-nous d’envisager le contraire de l’évidence, évitons à tout prix la répétition des recettes du passé et misons sur des stratégies de communication et de marketing qui relèvent davantage de la cohésion attribuable aux grandes marques. En clair : assumons enfin qu’un établissement d’éducation, qu’on le veuille ou non, c’est bel et bien une marque !

Comment percevoir nos audiences, notamment celles qu’on appelle « les jeunes » ? Quelles sont les clés de la réussite de campagnes de recrutement d’étudiants ou encore d’enseignants ? Comment développer une cohérence et une cohésion à travers un « langage de marque » qui sera adapté en fonction des enjeux ? Et l’international dans tout ça ? Je tenterai ici de manière concise d’apporter un peu de recul, de répondre à certaines questions importantes et d’ébaucher aussi certaines pistes de solutions et quelques conseils utiles.

Les « jeunes », ça n’existe pas

Quand il est question de communiquer avec ceux qu’on appelle « les jeunes », deux enjeux s’imposent. De un, celui de la posture. Devons-nous parler aux jeunes en nous mettant dans la peau d’un adulte qui tente d’être sympathique avec eux ? Devons-nous mimer d’être jeunes nous-mêmes, en tentant d’utiliser à notre manière leurs codes ? Et l’autre enjeu, c’est de savoir à quels jeunes nous avons affaire : à la génération Z ? À la génération Alpha ? Évidemment, s’adresser directement ou indirectement à des enfants évoluant en 5ᵉ ou 6ᵉ année du primaire en vue de les attirer aux portes ouvertes d’une école secondaire ne se fera pas de la manière qu’une approche à des adolescents de 16, 17 ou 18 ans qu’on incitera à faire une demande dans un programme collégial ou universitaire.

En clair, généraliser sur « les jeunes » et emprunter le mauvais ton peut créer de réels dommages à une marque en éducation. Les stratégies et les tactiques doivent être adaptées, la création ou les concepts doivent s’appuyer sur de réels insights, on doit faire nos devoirs et convenir que tout va vite, infiniment vite, et que c’est un métier en soi que d’être au fait des multiples nuances de courants à très haute vélocité qui façonnent la réalité de différents segments de jeunes aujourd’hui. Dans tous les cas, il est impératif de rester vrais et de ne pas tenter de jouer un jeu dont nous ne maîtrisons pas les règles.

Les campagnes de recrutement : transposer les bénéfices réels

Les plus gros postes budgétaires de nombreux établissements d’éducation, notamment dans le secteur privé, se retrouvent dans leurs différentes campagnes de recrutement d’élèves et dans leurs fameuses portes ouvertes. La concurrence est souvent féroce et les différenciateurs assez subtils, ce qui engendre de nombreuses campagnes publicitaires interchangeables qui tentent souvent un peu maladroitement de communiquer des promesses trop génériques. Pour atteindre leurs objectifs, les organisations doivent résonner, communiquer avec constance et s’adapter aux différentes réalités. Mais elles doivent surtout cesser de parler d’elles pour se concentrer sur les bénéfices qu’elles proposent à leurs audiences.

Recrutement au niveau secondaire : joindre les deux hémisphères

Quand il est question de recrutement d’élèves au secondaire, nous devons impérativement séduire des enfants généralement âgés de 10 ou 11 ans, mais aussi leurs parents. Ces deux cibles, dont les motivations et attentes seront foncièrement différentes, peuvent s’apparenter aux deux hémisphères d’un même cerveau. Le cerveau droit, associé aux enfants, sera plus stimulé par les sensations, les émotions et tout ce qu’on peut associer aux symboles implicites qui communiqueront le plaisir au quotidien, le dynamisme de l’expérience, voire sa couleur et sa « vibrance ». Car sans tomber dans les détails, les enfants peineront à intellectualiser leur propre parcours d’études sur une période aussi longue que cinq ans. Ils voudront donc s’assurer d’avoir du plaisir « demain » dans un cadre sécurisant et humain où leur passion pour un sport ou une activité pourra être canalisée.

De l’autre côté, celui de l’hémisphère gauche, davantage rationnel, se situent les parents, qui pour leur part, accorderont beaucoup d’importance à la qualité académique, à celle des infrastructures, mais aussi à l’encadrement, et ce, dans une perspective plus longue et avec à l’esprit la réussite scolaire de leurs enfants, dans un segment éducatif qui les mènera au niveau supérieur dans la meilleure posture possible. Ils voudront aussi parfois, et là, ce sera souvent tabou de daigner le relever, se positionner personnellement dans leurs cercles sociaux à travers le choix de l’école où évoluera leur jeune. Les séduire requerra des stratégies et tactiques de communication plus étoffées qui répondront à plusieurs préoccupations à travers des messages adaptés.

Vous comprendrez que tenter de convertir les deux hémisphères d’un même cerveau en un slogan ou une image forte sera la plupart du temps assez contre-productif. C’est néanmoins ce que l’on voit très souvent dans les grands médias, sur les réseaux sociaux et sur les sites Web de nombreux établissements secondaires. Je crois que chaque cible doit être traitée efficacement, sous le parapluie d’une grande campagne. Ce sera la capacité de segmenter les tactiques de communication destinées aux jeunes et à leurs parents tout en gardant un lien solide entre elles qui sera la clé.

Recrutement aux niveaux collégial et universitaire : la projection 

Sans tomber dans une analyse fine des caractéristiques et déclencheurs de la génération Z (1995-2009), nous pourrons ici convenir qu’elle est ultra-connectée, mais aussi très engagée socialement (on entend parfois l’expression « Me-to-We Generation »), souvent anxieuse et infiniment moins centrée sur son nombril que ce que plusieurs adultes rétrogrades laissent entendre. Ces jeunes révolutionnent littéralement le monde du travail et perturbent la plupart des paradigmes liés à la consommation et au tourisme, notamment à cause de leur aversion pour les changements climatiques. Et quand il est question de les attirer vers certains programmes collégiaux ou universitaires, il sera beaucoup question de les projeter psychologiquement dans un avenir porteur, en se basant davantage sur des représentations d’humains à travers lesquels ils pourront se voir de manière crédible. Parfois, ce sera dans des concepts publicitaires, parfois dans des témoignages, mais ça devra toujours être fait avec sincérité. Les valeurs et les idéaux de l’organisation devront encore plus transparaître. Il s’agira ici d’identifier de manière plus fine les caractéristiques qui lient les jeunes à un programme en particulier afin d’établir une compatibilité porteuse, en misant sur les bons bénéfices.

Marque employeur en éducation : unicité et promesses réalisées

La marque employeur en éducation ne diffère pas vraiment de celles des autres secteurs. La pénurie d’enseignants fait rage. Aucun miracle n’est possible. Et pour reprendre une image qui je le crois est aussi évocatrice que percutante : évitons de mettre du rouge à lèvres à un cochon !

En fait, il faut revenir aux fondements de ce que représente une marque employeur, donc transposer de manière créative et attractive ce qui rend unique l’expérience employée dans un établissement d’enseignement en particulier, sans toutefois promettre un quotidien qui sera détaché de la réalité. Donc tout partira de l’intérieur, notamment en diagnostics et en analyse, pour nous mener au positionnement de la marque employeur, à sa proposition de valeur employé (PVE), mais surtout, à sa transposition dans l’expérience employée comme dans les campagnes créatives de recrutement. Les nuances attribuables au secteur de l’éducation relèveront beaucoup plus de la réputation de l’établissement, de ses spécialités et de certains attributs culturels assez fins.

Recrutement et marque employeur en éducation : au-delà des frontières 

Avec la réalité de la globalisation, qui engendre notamment la mobilité des étudiants et de la main-d’œuvre d’un continent à l’autre et d’une réalité culturelle à l’autre, il devient pour plusieurs établissements essentiels d’élargir leurs offensives de recrutement au niveau international.

La compréhension des contextes culturels et sociaux (notamment des enjeux dans le secteur éducatif), des tendances émergentes, des « personas » localisés à l’étranger, tout comme la validation des messages clés et bénéfices porteurs de nos organisations spécifiquement dans ces différents marchés sera carrément impérative. La transposition des concepts créatifs par le respect des codes culturels n’est pas à prendre à la légère, tout comme la consommation médiatique et numérique de nos audiences, qui peut varier d’un pays à l’autre. Un exemple flagrant : le calendrier scolaire variera énormément d’un pays à l’autre et la saisonnalité des campagnes devra être ajustée en conséquence.

Tout ça nous ramène à l’importance de bien faire ses devoirs en amont, notamment en se dotant d’une planification stratégique qui liera nos grands objectifs à la nécessité, ou pas, d’envisager des campagnes à l’international. Et si nous allons dans ce sens, il faudra tout prévoir dès le début en évitant de tomber dans le piège de la simple déclinaison linguistique dénuée d’une compréhension fine des marchés envisagés. Je ne connais pas beaucoup d’établissements qui ont réussi cet exercice sans accompagnement, mais dans le cas d’opérations réussies, les résultats peuvent être réellement majeurs.

La cohésion : un exercice de vérité et de rigueur 

Dans le secteur de l’éducation, nous assistons à l’évolution de marques liées à des établissements, qui s’expriment avant tout par leur réalité sur le terrain auprès d’enseignants, du personnel de soutien, d’élèves et de leurs parents. Or, aucune campagne de notoriété, de recrutements d’élèves ni aucune marque employeur ne pourra porter les fruits attendus si cette réalité n’est pas inspirante, mais encore plus, si elle n’est pas singulière. Or, c’est sur cet aspect que des experts peuvent avant tout intervenir, que ce soit en identifiant les éléments évocateurs de cette unicité ou en notant certains gros enjeux qui doivent être résolus avant d’envisager des investissements profitables en communication.

Dans un monde idéal, l’établissement investira ensuite dans un concept de marque et une plateforme créative pérenne et déclinable, qui représenteront ce fameux fil de cohésion entre les différentes offensives de communication (campagne de recrutement d’élèves, d’étudiants, d’enseignants, etc.). Ce sera donc cette cohésion, issue de la marque mère, mais aussi d’analyses fines et granulaires, qui décuplera les forces de l’organisation et imprégnera ses audiences de pertinence, de vérité, avec comme résultante des objectifs stratégiques plus atteignables à travers de réels investissements en communication.

Mathieu

À propos de Mathieu Bédard
Mathieu Bédard est chef de la direction et associé principal de l’agence créative internationale Camden, qui compte des bureaux au Canada, en France et à Hong Kong. Diplômé en publicité de l’Université de Montréal, il compte plus de 20 ans d’expérience en branding, en création publicitaire et en marque employeur, dans une vaste palette de secteurs d’activité, dont celui de l’éducation. Il a été conférencier invité dans plusieurs universités québécoises et a collaboré régulièrement à titre d’expert ou de chroniqueur dans de nombreux médias québécois et français.

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